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Pour le fond, ce blog, résolument textuel, aura l'aspect de regards sur une ville aimée et de digressions. Pour la forme, il aura une préférence pour des fragments, ce genre estimé de Roland Barthes ; il ne sera pas sans complicité non plus avec la diversité des figures, des hétéronymes que généra Fernando Pessoa, l'écrivain portugais. Barthes et Pessoa se gardaient ainsi de toute volonté de persuasion.

CHIEN DE LUXE, INADAPTÉ À LA VILLE DU XXIe SIÈCLE

Publié le 21 Mai 2017 par Lesnen PetitsBois

 La déclaration d'impôts du quidam sur papier ne résorbera pas le déficit. Aux cyberattaques l'antique support de fibres résiste. Une tablette précunéiforme, en argile crue, de 3200 avant notre ère, découverte en Mésopotamie, visible au musée Champollion de Figeac, porte "les plus anciennes traces incisées d'écriture. Les symboles réalistes … renvoient à l'administration de terres cultivées." (Michel Renouard, Naissance des écritures, 2011, Editions Ouest-France). Vulnérables, nos ingénieux systèmes.

  Le monde appartient aux jeunes loups d'Over-blog, à moins qu'Edgar Morin n'ait raison contre leur illusion d'éternité. Mais, pour le penseur de La Méthode, le pire n'est pas certain. Le blogueur réticent, entend seriner en boucle : il faut payer pour ne pas subir la publicité ; un vrai blog peut vous enrichir. Cet exercice, hasardé en pleine maladie, affiche le goût de l'art minimal, du carton et du bois blanc. Aucun mépris pour l'argent. Il en faut pour échanger. Mais au spectacle de sa danse endiablée, les compagnons de Pierre Rabhi en pincent pour la sobriété heureuse. Pour l'humanisme détaché.

  PetitsBois remercie Over-blog d'avoir accordé une hospitalité gratuite à ce qui n'est pas un blog. Pas d'images. Aucune régularité. Aucune recherche d'échanges. Deux ou trois lecteurs occasionnels, qui réagissent plutôt par lettre, téléphone ou courriel. L'auteur s'est blotti en ce bon coin juste pour le plaisir de mettre au propre quelques lignes de temps en temps. Comme un SDF sous une porte cochère. Pourquoi écrire ? Pour appliquer sa volonté à l'itinéraire inévitable. Pour acquiescer à son destin. Autour, on en fait ce que l'on veut. Les congénères disposent d'immenses bibliothèques de pensées, d'analyses, de rêves, d'aventures. Qu'ils filent à Saint-Malo, à Etonnants Voyageurs, et ils verront. Toute diffusion à partir de ce blog vaudrait pure redite. Confucius déjà avait insisté sur la nécessité pour chacun de faire le chemin et sur l'instant furtif du sommet atteint. Une publicité s'affiche donc désormais, comme convenu. Et si elle devenait un peu olé olé ? Le routard du blog reprendrait le macadam au moment où on lui aurait désigné un petit boulot et une chambre. Mais je voulais aborder un autre sujet.

   La campagne et même l'agriculture font de plus en plus merveille en pleine ville. Les abeilles font du miel à Paris et dans Rennes. Et le poulailler des Ormeaux ? "Je vais voir les poules", lançait, très jovial, sous les Pyramides, le vieil Alberto. On peut sourire, ce n'est pas encore le poulailler de l'enfance, pour lequel l'étudiant bricoleur débarqué en vacances était sollicité. Il bâtissait ou consolidait l'enclos des gallinacées, interdites de sortie durant la période précédant la moisson. Ces pauvres poules des Ormeaux, de très belle race, n'ont pas encore le style. Elles ignorent la bataille des coqs. Mais cela viendra, on le sent. Paris développe sa vraie ferme à Vincennes. Les enfants découvrent, les adultes s'y exercent à la biodiversité. Rennes enchante à son tour le vieux rural urbanisé qui a gardé de l'argile à ses bottines.

   Mieux encore, la familiarité des humains avec les bêtes plutôt sauvages et notamment avec les oiseaux se propage en plein centre. Un peu de bonheur, au moment où notre espèce reconnaît plus largement qu'elle a trop négligé sa solidarité avec toute l'évolution. Un sansonnet au plumage bigarré, chemine, déhanché, sur le trottoir, rue Jules Simon, de conserve avec PetitsBois, à un mètre, et ne perd pas une miette devant la boutique d'un Premier Ouvrier de France. "Ils vont maigres, quand il vont en troupe", assurait le Père Gaucher, le grand inventeur d'Elixir, sauveur d'abbaye. Et la pie dans la ville … une vraie Piglais. Comme le mulet dans les ports un peu sales, elle se montre sacrément résistante. Celle-ci est venue marcher sur la rambarde de la fenêtre, comme pour présenter sa lettre de créance. Le couple fait son nid à onze petits pas de l'écran de l'ordinateur, dans un pin. Inimaginable à la campagne. Garez-vous, objets brillants !

    Un hochequeue derrière l'école de la rue Papu, en plein mois de mai. Quelle famille ? Une superbe grive traverse la piste en courant. Elle se pose à un mètre sur le houx le plus proche où joue un troglodyte. A l'humain, qui s'arrête pour contempler le plumage, l'oiseau laisse tout son temps. La dizaine de tourterelles de Turquie, qui picorent sur le sentier s'écartent à peine, pour laisser la voie au passant. Et qu'elles embaument les ombelles des sureaux. Géo, le berger des arbres, en tirait un champagne.

   Au début de la promenade du Lavoir, sur la rive opposée à la vénérable buanderie de Saint-Cyr, un groupe de SDF en compagnie de chiens racés, bien calmes, échangent sur la scène aquatique qui s'avance sur les eaux. Une couvée de jeunes canards croise en confiance tout au bord. Un pêcheur surveille son bouchon. Prolongé par la promenade Emile Masson, le sentier conduit les flâneurs dans une véritable ambiance de feng shui. Entre un bras sauvage de l'Ille et les immeubles haut dressés qui font l'effet de collines. Deux canards mâles et une femelle : un couple à trois ou le fils qui n'a pas trouvé à se marier, resté à la maison ? Ornithologues, éclairez-nous. Un ragondin vient voir si le passant donne à la quête. Une gallinule s'attarde sur la rive. Pourquoi s'enfuirait-elle, la poule d'eau au plumage ardoisé barré de blanc et au bec rouge ?

 Donc, une très jeune dame, fort distinguée, était accompagnée d'un superbe chien de luxe noir. Impossible de retrouver sa race. La taille du Huski, mais rien à voir pour le reste. Allez distinguer, vous, entre le Bouvier bernois, le Chien courant yougoslave, le grand Bouvier suisse. Non, ce n'était pas un spitz de Norrbotten ! De la génération Y, la dame. Très branchée. Au début, elle avait photographié son compagnon, après l'avoir bâté de son manteau, comme un bourricot de l'Atlas. Juste un instant pour l'image. Et pourquoi pas ? Chacun fait ce qu'il veut. L'animal délivré de son fardeau, les voilà qui s'engagent sur la piste. Ils parviennent près de la scène aquatique. Le dogue se met en chasse. Il épouvante les canards, les gallinules s'enfuient comme des voleuses en gloussant. Vingt mètres plus loin, le chasseur plonge et fouille les rives où se cachent encore des couvées. La dame paraît satisfaite de la performance. Et les voilà repartis. Aucune condamnation Chacun en est à un moment de son inévitable parcours. Le paradis terrestre n'existe pas.

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